• Collège de Saint-Jean-d'Angely

    À l’occasion de la reprise du spectacle Scapin ou la vraie vie de Gennaro Costagliola, 17 collégiens et le metteur en scène Kristian Frédric, vont créer un quotidien qu’ils iront distribuer sur le marché de la ville.

    Collège de Saint-Jean-d'AngelyLe Messager, c’est le titre que ce comité de rédaction en herbe a choisi. Un quotidien de 1675 qu’ils imaginent ouvert sur la région mais aussi sur le monde de l’époque.

    Avoir 12/13 ans et se projeter comme journalistes, de plus à une époque que l’on connaît à peine, voilà le pari de ce programme ambitieux. Transmettre aux autres collégiens de leur établissement leurs directives pour que ce soit tout un collège qui participe à la réalisation de cette Gazette du comté de Saintonge, voilà tout l’enjeu de cette aventure.

    Grâce à leurs recherches, ils vont mieux comprendre une époque, une région, un monde en pleine mutation. Ils vont avec leurs regards du vingt et unième siècle se positionner, inventer, écrire, imaginer et surtout faire rêver les futurs lecteurs. La face cachée du monde c’est le sous-titre de leur publication. Un titre évocateur, qui leur permet de laisser place à leur imaginaire.

    Alors que souvent le mot de citoyenneté est employé à tort et à travers, l’on peut se réjouir que ces jeunes gens prennent à bras le corps l’Histoire, pour mieux la comprendre et mieux jouer avec. Quand l’on sait d’où l’on vient, n’est-il pas plus facile de savoir qui l’on est et ce à quoi l’on aspire ?

    Tout au long du travail ils vont se frotter à la réalisation d’un article : choisir le domaine qu’ils veulent développer, l’angle d’attaque, le chapeau, l’illustration et bâtir tous ensemble un chemin de fer. Ils vont diriger et animer un comité de rédaction, définir une ligne éditoriale, faire des choix, sans jamais oublier que dans toute publication l’on doit répondre à une déontologie journalistique. Tout ne peut pas être dit, ni écrit ! Ils vont ensemble mieux définir leurs envies, tout en restant ouverts aux autres et au monde.

    De cette expérience sera conçu des capsules vidéo. Sous le regard de Matis sera une série de 9 clips qui seront réalisés par un collégien, qui tout au long du processus posera son propre regard sur le travail entrepris par le groupe. Ces réalisations seront diffusées sur le site. Il est prévu qu’à l’issue de ce travail soit réalisé par l’élève un documentaire d’une vingtaine de minutes.

    à suivre...

    Sortie du journal en février 2018 

  • Le Messager.... sur le web....L’ÉQUIPE DE RÉDACTION

     

    Direction artistique

    Kristian Frédric – Cie Lézards Qui Bougent

     

    Comité de rédaction

    N. G. , Kelli M. , Matis

     

    Coordinatrice

    Loïse Yhuel

     

    Les rédacteurs

    Séliane, Mathias B., Axel, Matéo, Maël C.-G., N. G., Matis, Lucie M., Kelli M., Sacha, Lilou, Logan R., Chanèle R.-T., Anouk S.,

    Olivia V., Alizée V.

     

    Les illustrateurs

    Tom B., Ilhan H., Maxime M., Lilou

     

    Les correcteurs

    Nicolas Bourdon, Françoise Conte, Sophie Cousty, Katia Douteau, Brice Martinetti, Odile Pouvreau, Gabriele Schneider

     

    Avec la participation de Céline Bohère directrice de l’A4 (Association Angérienne d'Action Artistique), du documentaliste

    Fred Leblanc et de l’équipe éducative du collège Ste Sophie représentée par M. De Guénin.

     

    Mise en page

    Studio de graphisme Lézards Qui Bougent

     

    Imprimerie

    Bordessoules Impressions

     

    TOUS LES ARTICLES ET LEURS ILLUSTRATIONS ARTICLES SUIVANTS... BONNE LECTURE


  • Avertissement aux lecteurs: Ce journal est une fiction, inspirée de faits historiques réels. Des ressemblances avec des lieux ou des personnes ayant réellement existé ne seraient peut-être pas tout à fait fortuites.

    Ce projet est né de l’imagination de Kristian Fredric, metteur en scène et de la compagnie de théâtre Les lézards qui bougent, pour préparer les élèves du collège Ste Sophie à comprendre l’univers de la pièce de théâtre qu’ils viendront jouer en 2018 à St Jean d’Angély. Scapin ou la vraie vie de Gennaro Costogliola, est une pièce qui vise à donner vie à un être de papier, un masque de la Commedia dell’arte. Scapin le personnage prend forme humaine sous les traits de Gennaro Costogliola, sort du canevas habituel pour vivre dans la vraie vie du XVIIe siècle. La connaissance historique est donc le point de départ de ces deux projets: se plonger dans l’Histoire pour écrire la petite histoire d’hommes et de femmes de cette époque.

    Cette invitation au voyage nous a fait rêver de la vie à la cour de l’emblématique Roi-Soleil. Ainsi, revêtus de nos plus beaux habits, parés de bijoux et de dentelles, nous avons arpenté les couloirs des plus beaux palais, nous avons assisté à Versailles aux plus somptueuses fêtes jamais données, nous avons eu le privilège de nous promener dans les jardins royaux où « Là tout n’est qu’ordre et beauté / Calme, luxe et volupté. »

    Cependant ce voyage dans le temps nous a emmenés dans des lieux moins idylliques, dans les coulisses bien sombres d’un monde fait de paillettes et de poudre aux yeux. Nous avons suivi la police dans des enquêtes criminelles liées à la misère du peuple ou aux sociétés secrètes s’activant dans l’ombre, en recourant aux maléfices ou aux poisons pour éliminer les obstacles à leur ascension au pouvoir. Nous avons vu la détresse de nos ancêtres quand les taxes s’abattaient les unes après les autres, plongeant tout un peuple dans la misère, le contraignant à la révolte ou à partir vers d’autres horizons qu’on espérait plus beaux.

    Un voyage donc à mi-chemin entre rêve et cauchemar, entre fierté et dégoût qui nous aura surtout permis d’en apprendre beaucoup sur nous et notre rapport à la citoyenneté. Le patrimoine national ou même local, que ce soient un château, un bâtiment, un tableau, le nom d’une rue, la langue française, tout cela nous parle de notre histoire et de ceux qui ont vécu avant nous et cela nous incite à le respecter. Nous avons été sensibles à la protection de l’environnement, en particulier en ce qui concerne l’extinction de races animales. Ce qui était déjà un problème au XVIIe siècle s’est accéléré de manière alarmante aujourd’hui et mérite donc toute notre attention. Enfin, nous avons compris à quel point nous avons de la chance de pouvoir nous exprimer librement. Que de détours habiles les auteurs ont-ils dû prendre pour échapper à la censure ! Quelle frustration de ne pas pouvoir dire ce que l’on pense pour ne pas risquer de voir fondre sur nous les foudres du pouvoir ! Nous avons pris conscience de la nécessité de défendre nos libertés individuelles dont de nombreuses personnes sont malheureusement encore privées dans le monde.

    Nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à nous lire que nous avons eu à écrire.

    Rédacteurs en chef : Kelli M., N.G., Matis, coll. L. Yhuel


  • SociétéPapier timbré : la taxe qui enflamme les esprits

    Une nouvelle taxe déclenche une vague de mécontentement dans le milieu de la bourgeoisie marchande de St Jean. La municipalité craint que cette taxe ne vienne appauvrir encore plus les classes les plus fragiles sur qui reposeront à terme les prélèvements fiscaux.

    Après l’étain, le tabac, c’est au tour du papier timbré d’être taxé par volonté royale. En effet, Le surintendant des finances royales M. Colbert vient d’exiger un effort supplémentaire aux français pour financer les travaux titanesques à Versailles et la guerre de Hollande qui s’éternise. Les caisses de l’Etat semblent bien vides pour ponctionner ainsi à tout-va le peuple français. L’impôt sur la taille ne faisant qu’augmenter d’année en année, nous observons sur le territoire angérien un réel appauvrissement de la population. Le plus à craindre avec cette nouvelle taxe, qui touche principalement l’activité marchande, est de voir les prélèvements se répercuter sur les classes plus pauvres. Dans une ville qui s’enrichit du commerce du vin, l’inquiétude est grande car cette nouvelle taxe risque de rendre le commerce local moins compétitif vis-à-vis des hollandais dont la fiscalité est beaucoup moins lourde.

    Contre toute attente, des voix, ici et là, se lèvent pour dénoncer une taxe qui concerne tous les actes officiels comme les contrats de vente, les testaments et même parfois les registres d’état civil. C’est le cas en Bretagne, des milliers de paysans écrasés par les prélèvements des Seigneurs fonciers, ont rejoint Sébastien Le Balp, meneur d’un mouvement d’insurgés portant un bonnet rouge en signe de ralliement. « L’exemple breton pourrait trouver écho à St Jean », selon M. Martin, commerçant de la ville qui, lors d’un voyage d’affaires, a rencontré M. Le Balp qui exerce en tant que notaire royal à Carhaix. « Je constate que les commerçants ne peuvent plus faire face aux hausses d’impôts. Lorsqu’il devient difficile de faire vivre sa famille correctement, le risque est grand de tomber dans la violence ou de chercher à quitter le pays. C’est une menace sérieuse qui devrait interpeler les Ministres. »

    Il est, en effet, à redouter que ce mécontentement ne se transforme en révolte, si rien n’est fait en haut lieu pour calmer l’exaspération des populations. Nous attendons la visite d’émissaires qui auront pour mission d’évaluer l’impact économique et social de cette nouvelle mesure.

    Olivia V. et Alizée V.

    Illustration : Dessin de presse (Révolte des bonnets rouges) / Ilhan H.


  • MondeEn route vers la Nouvelle-France !

     Missionné par Le Messager, Jean-Eude Martin a du enfiler le costume de marin afin de nous faire vivre l’éprouvant voyage jusqu’à Québec. Embarquons avec lui sur la Sainte-Sophie pour une mission économique et coloniale loin d’être de tout repos.

    Le 13 mars 1674 au matin, moi, Jean-Eude Martin, grand reporter, je suis prêt à embarquer pour le reportage qui m’a été demandé par notre bon roi Louis. L’on me missionne d’accompagner une expédition commerciale de La Rochelle jusqu’à la ville de Québec avec ses marchandises et ses colons. Je dois ainsi rendre compte du quotidien d’un navire marchand, de son équipage et des candidats à la colonisation de la Nouvelle France.

    MondeDépart de Saint-Jean d’Angély jusqu’à l’appareillage à La Rochelle

    En route à dos de cheval, j’en aurais sûrement pour deux jours jusqu’au port de La Rochelle. Je remarque que le commerce s’est amélioré car les effets du siège de Saint-Jean-d’Angély en 1621 par l’armée royale contre les protestants se sont estompés.

    J’arrive enfin à destination du port. Je me présente au capitaine du navire qui me dit que le voyage sera long de neuf semaines environ, sauf si le vent nous fait défaut. Je finis ma discussion avec le capitaine tout en observant des colons sortir des auberges qui donnent sur le front de mer. Ils semblent peu attentifs à la beauté du paysage qu’ils s’apprêtent à quitter. En effet, le soleil vient se glisser entre les deux tours légendaires qui encadrent l’entrée du port : la Tour de la Chaîne et la Tour Saint-Nicolas et se reflète dans l’eau de mille feux. Mais pour eux l’appel de l’aventure est plus fort que tout, ils sont une dizaine à faire la traversée avec le chargement de marchandises. Certains fêtards sont embarqués par les autorités au dernier moment, ils découvriront leur destination une fois leurs esprits retrouvés.

    Je monte sur le navire puis un marin breton me parle, comme souvent, la majorité de l’équipage est breton ou basque. J’ai beaucoup de mal à comprendre cette langue qui m’est inconnue, mais il fait l’effort de m’expliquer en français que nous sommes sur la Sainte-Sophie, une flûte qui fait 36 mètres de long par 10 de large. Il m’informe que la ville de Québec a été fondée en 1608 par Pierre Duguas de Mont né à Saintes, et Samuel de Champlain né à Brouage. Après quelques heures d’attente, nous levons enfin l’ancre et débutons notre long voyage.

    A boire et à manger

    Le lendemain matin, je me réveille tout doucement, un peu étourdi par le roulis de la flûte. Après m’être habillé, je monte sur le pont et croise le capitaine Matthieu. Il me propose alors de me faire visiter son navire, qui allait me servir de seconde maison pour les deux mois à venir. J’avoue que j’étais impatient de découvrir l’envers du décor. Arrivé dans la cale, je vois tellement de choses que je me crois dans une énorme boutique. Je remarque immédiatement les barils de poudre à canon, utiles en cas d’attaque. « Voilà pourquoi aucun feu n’est toléré dans la cale ! », me précise le capitaine, d’un ton qui n’admet aucune contestation. Sur la droite, je vois les réserves de vivres pour au moins soixante jours : des légumes secs, de la morue séchée ou salée, du hareng, de l’huile d’olive, du beurre, des céréales, des fruits à coque, du sel et de la farine. Côté boissons, des barriques d’eau (environ soixante litres par personne), mais surtout de l’alcool avec du cidre, du vin et de l’eau de vie. L’alcool est bien utile car l’eau douce devient vite fermentée, visqueuse et garnie de larves d’insectes.

    Devant les barriques de poudre se trouvent les produits manufacturés qui sont exportés vers le Nouveau-Monde afin de ravitailler les colons : des toiles, des draps dont des pinchinats du Poitou, du fer, du papier, des armes, des outils. Il y a également des poteries qui servent d’ustensiles de cuisine : des assiettes, des grands plats creux et des plats ornés de glaçures vertes, typiques de la production de la Chapelle-des-Pots. Quelle ne fut pas ma surprise quand le Capitaine me dit qu’un certain Jean Aumier faisait partie du voyage ! Je l’avais rencontré lors de ma visite d’une fabrique de poteries à Écoyeux. J’ai pu ensuite discuter longuement avec lui de son projet de migrer à Québec pour s’y installer.

    Âmes sensibles, s’abstenir !

    Après un repas léger, je me dirige vers l’entrepont où il fait très noir malgré le soleil radieux dehors. L’entrepont n’est pas très haut et il est difficile pour moi de me mettre debout. Cet endroit ne comporte presque pas d’ouverture, j’imagine que la puanteur doit y être insoutenable après quelques jours en mer. Les marins et les passagers dorment à même le sol sur des paillasses humides où ils risquent de se faire grignoter les oreilles, les doigts et les yeux par des rongeurs affamés. Heureusement pour moi, le capitaine m’a accordé l’honneur d’une cabine. Finissant de visiter le navire, je remarque un attroupement sur le pont. Je m’en approche et vois un marin suspendu par les pieds grâce à une simple corde. Il aurait volé de la nourriture et du vin dans la cale mais a eu de la chance puisque la punition aurait pu être plus brutale. Il finira juste à la baille sous les quolibets des autres matelots.

    Au bout d’une quinzaine de jours, le vent tombe et le navire sombre dans l’ennui. Je vois alors des matelots commencer à jouer aux jeux de hasard mais aussi à se faire tatouer. Un matelot m’interpelle et me demande si je veux un tatouage. Après réflexion, j’ai accepté de me faire tatouer une ancre marine sur l’avant-bras gauche. J’ai ainsi eu l’impression de faire corps avec ces hommes de la mer qui affrontent la mort à chaque traversée.

    Le 18 avril, en me rendant sur le pont, je vois un homme à terre qui paraît souffrir grandement. Je constate qu’il a la peau très sèche et couverte de pustules. Je le soutiens jusqu’à l’infirmerie où je découvre d’autres marins dans le même état que lui. Certains sont sans dents et leurs gencives putréfiées dégagent une odeur très forte. « C’est le scorbut !, me dit le médecin de bord d’un air désabusé. Voici ce qui arrive aux courageux marins qui s’embarquent pour deux voyages d’affilée ! » Il m’explique ensuite que les symptômes du scorbut se manifestent au bout de quatre ou cinq mois de navigation.

    Avis aux apprentis marins : ce métier est dangereux car les maladies, les luxations et les fractures sont légion et se faire opérer en mer à la simple lueur d’une chandelle peut être douloureuse. Faites attention aux insectes dont les puces et les poux qui peuvent provoquer le typhus, la typhoïde et la malaria car ce sont des infections mortelles. Les excréments d’animaux provoquent le tétanos, le navire doit être lavé à grande eau tous les jours. En cas de décès et pour des questions d’hygiène, les marins savent que la mer sera leur dernière demeure, ils sont jetés par-dessus bord, un boulet de canon attaché aux pieds. De plus, outre les maladies,  le navire peut être capturé en temps de guerre par nos adversaires, les Anglais surtout, et par les corsaires. En temps de paix, le risque est de voir surgir un navire pirate !

    Un petit tour et puis s’en va

    Après deux mois de traversée en mer, on aperçoit les côtes du golfe du Saint-Laurent. Mais le voyage n’est pas terminé car il nous reste encore deux ou trois semaines de navigation pour arriver à Québec. Le navire ayant subi des avaries pendant la traversée, nous nous arrêtons quelques jours à Gaspé pour nous approvisionner en vivres et réparer le bateau. Puis, nous arrivons enfin à Québec où nous pouvons décharger les marchandises. Après quelques jours à terre, La Sainte-Sophie est à nouveau chargée, cette fois de produits coloniaux : des fourrures appelées pelleteries, de l’huile de morue et de baleine, du poisson séché.

    Nous avons dit adieux à nos passagers en leur souhaitant bonne fortune en Nouvelle-France, puis nous avons repris la mer en direction des Antilles pour compléter la cargaison. Une tempête se lève, secouant dans tous les sens la flûte. Les voiles commencent alors à tomber, jusqu’à ce qu’un marin essaye de les hisser haut. Comble de malchance, une lame gigantesque a balayé le pont et l’a emporté. Nous lui avons lancé une bouée mais la violence de la tempête rend impossible tout autre tentative de sauvetage. Nous avons perdu ce jour encore un de nos camarades.

    Au bout de trois semaines, le 4 juin, nous arrivons enfin à Saint-Domingue. Nous déchargeons les marchandises, puis nous nous approvisionnons en nourriture et en eau douce. Le Capitaine et son second inspectent minutieusement le navire et font réparer les quelques avaries causées par la tempête. Il ne fait aucun doute, La Sainte-Sophie est de bonne facture et continuera de fendre les flots, le pavillon royal flottant fièrement au vent, encore très longtemps. Au matin, nous finissons par nous procurer des produits exotiques comme du sucre, du café, de l’indigo, du tabac et du coton.

    La longue route du retour commence alors et suis très excité à l’idée de revoir ma famille et ma maison. Je me prends à repenser au sonnet de Joachim du Bellay : « Heureux qui, comme Ulysse a fait un beau voyage / Ou comme cestui-là qui conquit la toison / Et puis est retourné plein d’usage et raison / Vivre entre ses parents le reste de son âge ! ». Je suis comme le poète se languissant de son petit village. Mais il s’en fallut d’un rien pour que je ne revisse jamais « le clos de ma pauvre maison » car sans prévenir, une poutre qui était accrochée à la voile, cède au moment où je passe. Me voilà avec une jambe facturée et je dois alors rester couché jusqu’à ce que nous arrivions. Après un total de cinq mois de mer, La Rochelle apparaît enfin à l’horizon. Le déchargement du navire commence immédiatement. Les produits exotiques sont réceptionnés par les négociants qui les redistribueront dans toute l’Europe. Les fourrures iront quant à elles en direction de Niort où les artisans chamoiseurs pourront les travailler et les vendre sur les marchés français et européen. Toujours blessé, je dois me contenter d’une charrette pour revenir à Saint-Jean-d’Angély et y retrouver les miens.

    AA.VV. 4e et coll. B. Martinetti

    Illustrations : La flûte Ste Sophie ; Destination : Québec


  • Entrevue RoyaleConfidences d'une Reine

    Lors de son passage à Saint Jean D'Angély, la Reine Marie-Thérèse d’Autriche, épouse de notre Roi Louis XIV, nous a gratifiés de l’insigne honneur de nous accorder une entrevue exclusive dans la bibliothèque de l'Abbaye Royale.

    Le Messager : Votre Altesse, depuis bientôt 15 ans que êtes établie à la cour de Versailles, pouvez-vous nous confier la vision que vous vous êtes fait de la France ?

    Son Altesse Royale : Sachez monsieur que la France est un pays que j'admire depuis ma plus tendre enfance. J'aime vos paysages verdoyants, ce climat tempéré et ces magnifiques petites villes comme la vôtre où il fait bon se retirer loin des turpitudes de la cour. J’en ressens vraiment le besoin lorsque la mélancolie me gagne.

    Entrevue RoyaleLM : Sans vouloir me montrer impertinent, puis-je vous demander les raisons de votre mélancolie ?

    S.A.R. : Je ne saurai vous cacher mon attachement à mon pays natal, je me sens souvent seule et je ne m'attendais pas, hélas, à subir les railleries et les commérages de la cour. Toutes les courtisanes envient ma position, ce qui est bien normal. Mais je hais ces femmes qui intriguent pour s’attirer les faveurs du Roi, qui est mon mari.

    LM : Nous avons ouï-dire que ne quittiez guère vos appartements. Pourriez-vous nous raconter comment vous occupez vos journées ?

    S.A.R. : J'apprécie davantage la compagnie de mes suivantes à celle des courtisanes. Avec elles, je peux parler le castillan, jouer avec mes nains et déguster du chocolat chaud à la cannelle... c'est mon Entrevue Royalepéché mignon ! Saviez-vous que c'est un navigateur du nom de Cristobal Colón, au service du royaume d'Espagne, qui nous a rapporté du Nouveau Monde ces délicieuses graines de cacao ? Pour tromper ma solitude, je lis des romans que je fais venir d'Espagne. Je vous recommande particulièrement les aventures de cet hidalgo, un peu « loco », ce «  Don Quijote de la Mancha » écrit par notre illustre et regretté Miguel de Cervantes. J'ai appris qu'il avait été récemment traduit en français.

    LM : Vous semblez vouloir garder des liens étroits avec votre pays. Certaines traditions espagnoles vous manquent-elles ?

    S.A.R. : Certes, rien n'est comparable en France à nos délicieuses « albondigas », ces petites boulettes de viande pannées et ni à notre « crema catalana » parfumée à la cannelle. Mes suivantes ont conservé les recettes traditionnelles de notre pays et ce serait un honneur de les faire découvrir à la cour de France.

    LM : Votre venue à Saint Jean d'Angély n'est sans doute pas fortuite. Pourriez-vous nous révéler quelques uns de vos projets ?

    S.A.R. : Le séjour à St Jean d’Angély est d’abord un voyage d’agrément, qui me rappelle avec bonheur mon voyage de noces avec Louis. J’ai aussi prévu de retrouver Don Juan Alfaro de Gómez, un élève de feu, mon ami Diego Velázquez qui m'a jadis peinte à Madrid lorsque j'avais 14 ans. Je lui ai commandé mon portrait afin de l'exposer à Versailles au côté de celui de mon époux, le Roi Soleil. J'en ai profité pour donner rendez-vous à quelques couturières de votre région afin de commander des robes traditionnelles de Castille et des mantilles de dentelle fine. J'ai le projet de faire découvrir le style vestimentaire de mon pays à la cour.

    LM : Ne craignez vous pas le mépris des courtisanes ?

    S.A.R. : Un défilé sera organisé au cours du prochain bal à Versailles. Tous pourront découvrir la mode espagnole : les magnifiques collerettes que nous appelons « gorgueras », les somptueuses jupes à cerceaux, incrustées de pierres précieuses appelées « verdugados », les fines mantilles de dentelle et les éventails traditionnels assortis aux tenues. Courtisanes et favorites, n'auront plus aucun intérêt aux yeux du roi devant tant d'élégance !

    LM : Nous vous remercions, Majesté, d’avoir consacré votre précieux temps à cette entrevue exceptionnelle. Nous vous souhaitons un très agréable séjour.

    Cet article a été réalisé grâce à l’aide précieuse de notre traducteur : Don Jamón de Tapas. Le nouveau portrait de la Reine sera exposé à l’occasion du bal qui sera donné en son honneur et dont le thème imposé sera bien sûr l’Espagne !

    AA.VV. 3e et coll. K. Douteau

    Illustrations : Portrait de Marie-Thérèse d’Autriche, Infante d’Espagne peint par Velasquez. Autres portraits de M-T.





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