• A propos du texte

    Cette première version de François Douan fait suite à un an de travail où ce dernier a d’abord inventé et donné épaisseur à ce personnage, si connu du grand public grâce aux Fourberies de Scapin de Molière, mais dont peu d’éléments peuvent constituer l’histoire d’un homme. Nous avons par cette commande d’écriture voulu à travers l’histoire de Gennaro Costagliola donner vie à un mythe de la littérature théâtrale classique pour nous plonger dans les méandres de son histoire faite de fuites, de fourberies, de tromperies, mais aussi d’espoir déçu d’un homme du peuple du 17ème siècle qui va devoir par la force des choses traverser l’Europe en mutation avec ses guerres, ses folies et ses grands fléaux.

    Scapin (Scapino) qui veut dire le fuyant en italien, sera en quelque sorte un immigré perpétuel, témoin de son temps, à la recherche de sa propre identité. Comment ne pas voir là, une résonance avec notre époque ?  Bien entendu, le mode de jeu est la comédie, car comment voir Scapin autrement ? Même avec ses dix ans de plus depuis son histoire avec Géronte, à presque cinquante-cinq ans, Scapin reste Scapin avec sa verve et ses emportements et c’est ce que l’on sent déjà dans cette belle proposition de François Douan. Ce personnage attachant et truculent nous livre son histoire à travers cette relation qui se bâtit tout on long de la pièce avec ce jeune-homme dont on ne connaîtra jamais le nom, ni jamais le visage.

    L’idée est de confronter cette première version (non définitive) au plateau et au jeu à travers diverses périodes de travail lors de l’année 2015 en compagnie de l’auteur, du metteur en scène et du comédien pour arriver à une création lors du premier trimestre 2016. Ces moments de recherches seront ouverts au public et en relation avec nos partenaires, pour partager ces instants et permettre à nos concepteurs d’être toujours en lien avec les échos que provoque ce travail auprès des spectateurs.

    Scapin, comme nous le disions, n’est-il pas cet enfant du peuple qui bringuebalé par les circonstances de l’histoire de son époque va devoir sans cesse s’exiler pour survivre ? Mais jusqu’où ces navigues vont-ils le pousser ? Jusqu’à ne plus savoir qui il est ? à force de mensonges et de subterfuges ? Scapin n’aspire qu’à une chose peut-être, celle de pouvoir enfin nommer son nom, ses racines et être enfin en accord avec l’instant qu’il traverse. N’a t-on pas là une fable magnifique sur la quête perpétuelle de l’homme ?  On ne peut s’empêcher de penser à Voltaire et à Pangloss qui disait quelquefois à Candide :

    Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’Inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches.

    Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.

    Et c’est tout cela qui est passionnant, lorsque l’on travaille avec un auteur contemporain à qui l’on demande de se pencher sur un personnage de la littérature classique, avec son regard d’aujourd’hui, tout en lui demandant d’écrire avec une langue qui est celle du 17ème siècle. Nous provoquons ainsi des confrontations, des frottements où l’auteur d’aujourd’hui chargé de son époque et des ses préoccupations plonge alors dans celles d’un autre temps, pour peut-être mieux nous questionner sur le nôtre !