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    Nouvelle mort suspecte liée à l’affaire des poisons ?

    Le décès suspect d’une femme de chambre de la Maison de la Reine n’est pas sans rappeler aux experts de la Cour les souvenirs des exactions de La Brinvilliers. Dès que l’autopsie de la jeune fille a confirmé la mort par empoisonnement, le Lieutenant Général de Police Nicolas de la Reynie a mis ses meilleurs hommes sur cette affaire.

    Très tôt le matin du 24 décembre 1674, le cadavre de Ninon Lambert, 14 ans, a été découvert gisant sur sa paillasse dans le quartier des domestiques, sous les toits du château de Versailles. C’est sa camarade de chambrée, Pauline Verbois, de deux ans son aînée, qui, après avoir surmonté le choc de la découverte, a alerté les hommes de la Maison bleue.

    Les premières conclusions des gardes du corps de la Maison du Roi les ont amenés à évoquer la possibilité d’une mort non naturelle. Marqués par la récente affaire des poisons, ils ont jugé plus opportun de confier ce cas d’homicide au Lieutenant Général de Police Nicolas de la Reynie, déjà en charge de l’Affaire Brinvilliers.

    Celui-ci a immédiatement fait pratiquer une autopsie sur le cadavre de la malheureuse, ce qui a confirmé les premières constatations des enquêteurs. En effet, la jeune bonne avait ingéré, de gré ou de force, un mélange mortel d’arsenic et de bave de crapaud. Un procédé bien connu des services de Police, puisque c’est ce même breuvage qui avait envoyé outre-tombe les victimes de la Marquise de Brinvilliers. Mais difficile d’imputer à cette dernière la responsabilité de cette mort. En effet, bien qu’elle ait été condamnée à mort par contumace en 1673, elle est toujours en fuite et introuvable.

    Le commissaire en charge du dossier, privilégierai la piste de la rivalité entre domestiques, ce qui ne serait pas étonnant quand on connaît un peu le monde de la domesticité royale : il n’est pas rare malheureusement de voir ses membres en venir aux dernières extrémités pour des questions de sentiment, d’argent voire de préséance. Il ne négligera pas pour autant une autre théorie, qu’il a bien voulu évoquer à demi-mots, et qui serait beaucoup plus sordide puisqu’elle impliquerait des proches du Roi, pour lesquels Ninon aurait joué le rôle d’intermédiaire.

    L’enquête promet en tous les cas d’être longue et difficile, surtout si des membres de la Cour y sont mêlés. Tout un petit monde secret d’alchimistes, d’empoisonneurs ou de sorciers est tapis dans l’ombre du pouvoir, s’associant volontiers à ceux qui aimeraient comploter contre le Roi. Espérons donc que l’enquête ne révèlera pas un nouveau scandale qui jetterait le discrédit sur le règne de notre bien-aimé Roi-Soleil.

    Chroniqueur judiciaire Matis