• Patinage artistique : atteindre l’imperfection.

    Patinage artistique : atteindre l’imperfection.Il ne faut pas se fier aux apparences : Olivier n’est pas seulement un mec sympa au jean troué et au sweat à capuche décontracté. Ce peintre scénique est un sorcier. Il est accompagné de deux fées, Margot et Marilène, qui ont comme lui traversé l’Atlantique pour nous initier à leur savoir-faire. Le charme a opéré, le décor est planté.

    Olivier sait patiner ; en français et en québécois. D’une part, il défie le dieu Chronos en donnant en quelques jours une coloration aux objets que seul le Temps est normalement en mesure de fixer. D’autre part, en québécois, patiner signifie louvoyer, et Olivier, venu tout droit de Montréal, sait en effet user de moyens détournés pour atteindre son but : l’imperfection. Pour cela, assisté de la fée Margot, il joue d’artifices pour égaler la nature. Il use la matière pour lui donner vie. Il rehausse l’ombre et la lumière. Il crée l’illusion du vrai. Dans ses mains, un objet en plastique devient métallique ou en bois, le carton devient du béton. Et ce, grâce à un régiment d’outils, certains inconnus au bataillon : marteau, tournevis, pied de biche, ponceuse ou sableuse électrique, pompe à peinture, aérographe et spatules de métal mais aussi poignées de sable, lame à rasoir, râpe à fromage et feuilles de thé. Ce magicien a plus d’un tour dans son sac mais son arme fatale, c’est une recette de grand-mère ou plutôt d’ébéniste – si tant est qu’il existe des grand-mères ébénistes. Pour le ponton sur lequel travaillera Scapin, Olivier l’alchimiste fait boire aux différents objets et planches en bois une potion à la couleur peu ragoûtante. Le secret de cet obscur élixir est révélé : du vinaigre blanc mélangé à de la paille de fer. Au bout de deux semaines de macération, le phénomène d’oxydation de cet onguent ouvre les veines du bois qui, une fois raclé, écaillé, troué, teinté, va mystérieusement prendre un aspect vieilli, voire pourri ; autrement dit, il va gagner en vie. Jusqu’à nous transporter dans l’océan du XVIIe siècle. Mais Dame nature ne se laisse pas faire aussi facilement : on ne peut pas toujours prévoir la manière dont vont ressortir les matières naturelles ; ce qui donne de belles surprises organiques. Patiner, c’est tenter d’imiter la réalité, y compris sa part d’imprévu.

    Dans la semaine du 8 au 15 décembre, plusieurs publics de profanes se sont succédés pour assister et participer au rituel d’initiation des patineurs. Les premiers privilégiés furent les résidents de l’Ehpad du Séqué et du Foyer Soleil qui ont pu observer le décor dans ses prémices ; Olivier trouvait le quai encore trop beau, pas assez vieilli. Quelques jours plus tard, les lycéens paysagistes et marins d’Hasparren et de Ciboure n’ont pas vu le même spectacle que leurs aînés : c’est qu’entre-temps, le sorcier Olivier et les fées avaient fort travaillé dans leur officine, à l’entrée d’un hangar bayonnais retiré. Les diverses substances, dont l’huile de coude, avaient fait leur effet sur la matière. Le bois avait été gratté et fouetté à la chaîne, le cordage made in Ciboure brossé maille par maille, la toile imprégnée de thé et d’autres teintes, la peinture du Temps avait été ajoutée là où il le fallait, dans les moindres détails… en témoignent les chiures de mouettes parsemées sur le ponton. Rien n’avait été épargné, tout sentait le vécu : l’opération mystification était réussie.

    Même Scapin semblait prendre vie sous nos yeux, grâce à la fée Marilène qui lui avait taillé un costume patiné à souhait : pantalon à ponts ayant subi de nombreux lavages, coups de lame et de ponceuse ; chemise en soie brute au blanc cassé par le rasoir, la sableuse et les teintures ; pourpoint en velours, bien durement acquis par le roi de la combine lors d’une de ses fourberies; chaussures en toile usée fermées par un bon gros lacet, sans oublier le manteau vert en peau de bœuf, la bourse en cuir… et la casquette ! Scapin est habillé pour l’hiver.

    Après l’inspection des lieux et l’autopsie vestimentaire, les lycéens se sont mués en lutins pour apporter la touche finale au travail des patineurs-ensorceleurs. Un nœud pour la nasse, un nœud pour la lampe à pétrole, un nœud autour du poteau. Pour ces experts en matelotage, ce n’était pas sorcier ; n’en déplaise à Olivier.

                                                                                                                         Jackie

                                                                                                                                   et Gisarb

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