• Combat de boxe à Mendi Zolan.

    Combat de boxe à Mendi Zolan.Silence et obscurité dans la salle. Sous les feux des projecteurs, le comédien est seul sur le ring. Face à lui, le metteur en scène à son bureau. Que le spectacle commence.

    Premier round : « J’ai tant aimé ton père, Gennaro » 

    Arrête de bouler, dis le texte, n’oublie pas la virgule, arrête de dire « oh putain », ça sert à rien, respire c’est tout. File-toi un coup d’eau. Ne fixe pas ton regard sur un seul axe, ne garde pas le même ton, ne garde pas la même note. Et puis t’es en arrière là, t’es pas en avant. Arrête de revendiquer, ne sois pas mélancolique, arrête d’expliquer le texte, ne sois pas complaisant. Plus fluide, plus léger que ça, réveille-toi… C’est pas le texte ! Ya une virgule là, pas un point. Arrête avec la gravité : Leonarda, elle se sent bien, elle recommence à vivre, elle est amoureuse, elle est bourrée d’endorphines, elle est comme après l’orgasme de Meg Ryan. Elle est heureuse, elle parle à son fils, pas à Nosferatu le vampire. Tu te projettes en avant au lieu d’être dans le moment : retrouve le moment présent ! Tu veux trop bien faire, ne fais rien qui te bloque, prends le temps de regarder ton fils, tu vas trop vite, sois mou du genou et super content. Et la caresse sur le visage, faut pas que ce soit un mouvement de danse ! Arrête de tout précipiter ! Sois sincère et incarné ! Et n’oublie pas le rythme, reste fluide, ne va pas trop vite. Mouille-toi un peu bon dieu ! Bon, on va laisser mûrir la mère…

    Pause pipi pour Kristian. Jacques boit de l’eau et rajuste son pantalon.

    Deuxième round : « Patience… Patience ! » 

    Ne te précipite pas ! Respire ! C’est trop intellectuel là, trop réfléchi. Ne sois pas dans la démonstration ! Et trouve l’endroit où le filet doit bloquer. Ne fais pas dans le surlignage, sois précis dans ton geste, ne le commande pas. Il faut que tu le ressentes dans le dixième de seconde. En bloquant le filet, tu sors de Leonarda mais faut pas que ça passe par le cerveau. Action-réaction mais pas de cerveau sur un plateau ! Ne fais pas de geste qui commente le texte. Excuse-moi de t’interrompre avant que tu commences : là, c’était bien mais tu as trop fermé le filet car t’as oublié de le remettre en place avant…. Etire tes mouvements en y mettant tout le texte : t’as le temps !

     Pause pipi pour Kristian. Jacques boit de l’eau et rajuste son pourpoint.

     Troisième round : autour du tonneau

     Mais arrête de faire une diagonale ! Ne bouge pas pour bouger, ne dis pas le texte pour dire du texte ! Tourne-toi, stop, bouge plus, va au tonneau, stop, ralentis, et toi « Pa pa pa pa pa pa…. Tac tac texte texte tac tac texte ». Refais tout avec le même itinéraire. Reste avec le jeune homme, regarde pas le sol. La pensée, elle continue, elle s’arrête pas. Mais on comprend pas ce que tu racontes ! Moi, je connais le texte et je suis incapable de comprendre ce que tu racontes ! Et arrête de dire « oh putain ». Mais pourquoi tu bouges ? Reste là ! Ne boule pas ! Le pied droit en trois quart, le gauche un peu en avant. Plus en bas, vers le tabouret. C’est pas vrai, tu m’as refais ta diagonale ! Approche-toi de la barre. De la barre ! Ton regard, il est trop fixe ! Tu t’empêches de jouer, là. Ne t’assois pas, tu vas plus pouvoir te relever après. Retourne au tonneau. Sans accélérer ! Pars au moment où tu veux partir : un mouvement ça se plaque pas, un mouvement ça se vit.

     Pause pipi pour Kristian. Jacques reste dans son personnage, les yeux habités.

     Quatrième round : l’eau du tonneau

     Non mais faut pas non plus que ça devienne dramatique de prendre de l’eau ! Ne joue pas l’eau avant que l’eau soit sur ton visage ! Faut pas confondre précipitation avec énergie et résonnance. Toi : « J’m débrouille », tu bouges… tu fais un tour de trop là ! Tac. Vas-y, tourne le pied. Non, tu partais de l’autre côté… Oui mais pas aussi… mais pourquoi t’enchaînes ? Tu te précipites ! Le texte et le mouvement doivent se tuiler. Oui mais bon, t’y vas, ne joue pas celui qui y va. T’y vas ! C’est bien mais t’as oublié d’enlever le bonnet ! Résonnance. À partir de là, bonnet, eau. Tu prends trop de temps pour l’eau ! Tu brouilles le geste. Voilà ! Sauf qu’il faut respirer.

     Pause pipi pour Kristian et bricolage sur une planche du ponton pour Jean-Paul et François. Gisèle croque dans le noir. Assis dans le public, Jacques note son itinéraire corporel. Il a perdu cinq kilos, il a sérieusement besoin de ses bretelles qui sont pour l’instant à Montréal. Il remonte sur le ring. 

    Cinquième et dernier round : autour du tabouret

     Fais le même geste, le même mouvement. Là, là, la tête en arrière, comme dans la chanson. Baisse tes mains. Tu te retournes trop vite ! Retarde les mouvements ! Bien. Mais t’as oublié la suspension dans le regard. Arrête avec ton « oh putain » ! Ou alors dis « oh call-girl ». Va pas trop vers nous. Même si tu vas revenir vers le tabouret qui est là, on a le temps… reste derrière pour l’instant. Ne boule pas, respire ! Mais c’est pas des fins de phrases, ya des virgules ! Schlak, Pam, Tac, Bam ! Mais te mets pas en place, continue… Vas-y, tu peux descendre ton pied. Les gestes doivent correspondre à l’écriture : en avant, en arrière… Ouvre les yeux, raconte-lui bien l’histoire. Gennaro il est pas là, il est là.

     Ah ben on a bien avancé aujourd’hui, mine de rien !

    Fin du combat… pour aujourd’hui. Pas de knock-out au programme. 

     

                                                                     Jackie

                                                                            et Gisarb

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